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Le grand Arnaud
14 juillet 2017

L’Etat reste jacobin

Ce 17 juillet, au Sénat, le gouvernement a donné rendez-vous en Conférence nationale des territoires (CNT) à toute la nomenklatura des collectivités françaises – association d’élus et comités administratifs. De part et d’autre les énergies seront concentrées sur les contours du pacte financier de responsabilité que l’État entend négocier avec les différents échelons locaux. Les maires sont particulièrement alarmés par la confirmation élyséenne du lancement dès l’an prochain du processus de suppression de la taxe d’habitation. Ils ne croient pas à la compensation à l’euro près promise par l’État ! Il est fort dommage qu’en ce début de quinquennat, la question territoriale soit ramenée une fois de plus à celle de la gestion d’équilibres comptables. Lors de la campagne présidentielle, le défi des territoires “progressivement délaissés, voire abandonnés” a été loin d’occuper le devant de la scène. Le programme Macron proposait avant tout une approche clinique traitant à la queue leu leu des défis standards – millefeuille administratif, haut débit, logement, transports, Plan de transition agricole. Sans la moindre vision d’ensemble. Mais devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles, le président de la République a semblé davantage stratège. Le chef de l’État a alors esquissé le projet de “conclure avec nos territoires de vrais pactes girondins” de décentralisation. Que voilà une grande ambition qui nous plonge directement au cœur de l’histoire politique de ce pays. Elle a pourtant toute chance de rester un propos de tribune parce que la France fonctionne sur le mode centralisé et égalitaire. Sans le concours puissant d’une démarche fédérale, aucune réorganisation sérieuse de la gouvernance locale n’est envisageable. Seule une responsabilisation pleine et entière des acteurs locaux pourrait changer la donne. “Sans le concours puissant d’une démarche fédérale, aucune réorganisation sérieuse de la gouvernance locale n’est envisageable” Mais qui peut croire à de vrais dessaisissements du pouvoir de l’État central au bénéfice de féodalités régionales ou métropolitaines ? En tout cas, rien de tel n’est au programme du quinquennat. En attendant cet hypothétique moment girondin, les urgences territoriales se multiplient. Les traitements cautère sur une jambe de bois également. Un rêve girondin passe, l’État jacobin demeure. L’alerte incendie vient de se déclencher 19 000 fois. C’est le nombre de communes qui ont placé, au premier tour de la présidentielle 2017, Marine Le Pen (FN) en tête devant tous les autres candidats. C’est le vote de protestation d’une population qui voit son avenir économique se réduire comme peau de chagrin. En tant que représentant constitutionnel des collectivités territoriales, le Sénat porte depuis de longues années un regard lucide sur cette désespérance. Comme jamais, elle a été mise en lumière à la dernière présidentielle. Le vote Macron fut celui de l’autre France, celle qui est insérée dans le monde nouveau. “L’alerte incendie vient de se déclencher 19 000 fois. C’est le nombre de communes qui ont placé, au premier tour de la présidentielle 2017, Marine Le Pen (FN) en tête devant tous les autres candidats” La Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Palais du Luxembourg explique pourquoi le développement économique se concentre essentiellement autour de quelques pôles métropolitains alors que de nombreux territoires connaissent un sentiment de décrochage : “la métropolisation conduit à polariser les emplois et la création de richesses dans le cœur des grandes agglomérations ; la crise des finances publiques s’accompagne d’une raréfaction des ressources budgétaires et, dans certains cas, d’un repli des services publics ; la mondialisation entraîne une nouvelle division du travail et le dépérissement de certains sites industriels excentrés”. Christophe Guilluy publiait en 2010 un ouvrage culte, ‘Fractures françaises’, qui dévoilait cette géographie sociale. L’auteur distinguait une France métropolitaine qui concentre près de 40 % de la population, et une France périphérique où se répartissent les 60 % restants. “À l’écart des catégories hier opposées, ouvriers, employés, chômeurs, jeunes, petits paysans, retraités issus de ces catégories partagent désormais une perception commune des effets de l’intégration à l’économie-monde et de son corollaire, la métropolisation”, souligne le géographe. “Une France métropolitaine qui concentre près de 40 % de la population, et une France périphérique où se répartissent les 60 % restants” La traduction en termes économique de cette situation ne laisse aucun doute sur la réalité de ces “migrants de l’intérieur” qui, d’une certaine manière, ont coupé les liens avec le monde extérieur mais demeurent sur place. Entre 2000 et 2010, les grandes aires urbaines françaises ont capté 75 % de la croissance. De même, sur 2 millions d’emplois créés entre 1999 et 2011, la moitié environ était localisée dans 30 zones d’emploi. Ces tendances ont été amplifiées par la loi Maptam du 27 janvier 2014 (Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) qui a acté le passage de quinze à vingt-deux métropoles. Tout comme au niveau international, la richesse produite dans les zones à forte expansion ne diffuse pas spontanément vers les secteurs en déshérence. Hervé Maurey, sénateur de l’Eure, président de la Commission de l’aménagement du territoire, pointe deux facteurs de blocage. Il demande où sont passés les engagements sur le numérique et sur la démographie médicale. “Dans la loi Macron, il était inscrit que pour la 3G, tout serait prêt pour le 30 juin 2017. Les opérateurs n’ont toujours pas respecté leur parole”, dénonce-t-il. Conscient de cette défaillance, le gouvernement vient de rappeler l’exigence d’une couverture de l’ensemble du territoire en très haut débit fixe à l’échéance 2022, et celle de l’accélération significative de la couverture mobile avec la fin des zones blanches 4G pour 2020. Les opérateurs sont tenus de fournir une feuille de route pour septembre…

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